- THERMOÉLECTRICITÉ
- THERMOÉLECTRICITÉLe passage du courant électrique dans les conducteurs s’accompagne de phénomènes thermiques. De façon plus générale, on rencontre toujours simultanément, dans les conducteurs ou aux jonctions des conducteurs, des phénomènes thermiques et des phénomènes électriques. Certains d’entre eux, tel l’effet Joule, ne dépendent pas du sens de passage du courant (il y a toujours dégagement de chaleur par effet Joule, jamais absorption); d’autres, au contraire, en dépendent. Les phénomènes dits thermoélectriques sont de ceux-ci. Ils présentent en outre un caractère de réciprocité: à l’effet Peltier, qui relie l’échange de chaleur provoqué à une jonction de deux conducteurs au passage du courant, correspond l’effet Seebeck, qui détermine la naissance d’un courant électrique dans un couple de conducteurs dont les jonctions sont à des températures différentes.1. HistoriqueEn 1822-1823, Thomas Seebeck décrit, dans un mémoire à l’Académie des sciences de Prusse, un phénomène qui correspond bien à la découverte du courant thermoélectrique se produisant dans un circuit fermé, formé de conducteurs différents et dont les jonctions sont à des températures différentes.L’explication par Seebeck de ce phénomène est erronée, mais les classements de matériaux qu’il a établis en fonction de ce que, actuellement, on nomme le pouvoir thermoélectrique sont tout à fait corrects.Seebeck ne manque pas de noter le phénomène provoqué par une différence de température le long d’un conducteur homogène; ce phénomène sera redécouvert trente ans plus tard par William Thomson.Vers 1834, Jean Charles Athanase Peltier publie dans les Annales de physique et chimie un article sur les anomalies de température observées aux jonctions de conducteurs de nature différente. Les expériences de Peltier sont confirmées, en 1838, par Antoine-César Becquerel et surtout Heinrich Lenz, mais les explications de Peltier concernant le phénomène découvert sont incorrectes.Il faut attendre 1857 pour avoir, avec Thomson, une vue d’ensemble convenable des trois effets thermoélectriques (effet Peltier, effet Seebeck et effet Thomson) et une formulation encore admise aujourd’hui.Le calcul des propriétés des circuits thermoélectriques a été, pour la première fois, effectué d’une manière satisfaisante par E. Altenkirch en 1909.Enfin, avec le développement des semi-conducteurs, pour lesquels les effets thermoélectriques sont importants, des applications autres que la mesure des températures par thermocouple sont apparues sous l’impulsion notamment du Soviétique Abram Fedorovitch Ioffe, tel le refroidissement thermoélectrique.2. Définition des effets thermoélectriquesTrois effets thermoélectriques ont été établis expérimentalement: l’effet Seebeck, l’effet Peltier et l’effet Thomson.L’effet Seebeck concerne l’apparition d’une force électromotrice dans un circuit ouvert constitué de deux conducteurs différents, lorsque les jonctions sont à des températures différentes:le coefficient 見12 est appelé le pouvoir thermoélectrique existant entre les conducteurs 1 et 2.L’effet Peltier a trait à la production (ou à l’absorption) de chaleur au niveau de la jonction de deux conducteurs quand un courant d I les parcourt:un changement de sens de parcours du courant transforme le dégagement de chaleur en absorption de chaleur; c’est le principe de la réfrigération par effet Peltier.Enfin, l’effet Thomson se rapporte à la production (ou à l’absorption) de chaleur provoquée par le passage d’un courant I dans une portion de conducteur de longueur dx , en présence d’un gradient de température:où 精 est dit coefficient de Thomson du conducteur.Des relations existent entre 見, 神 et 精; elles peuvent être établies d’après les lois de la thermodynamique des processus irréversibles (mais elles ont été établies d’une manière non rigoureuse dès le XIXe siècle). La relation de Kelvin:où T désigne la température absolue, relie les grandeurs 神 et 見; et l’on a également:car le pouvoir thermoélectrique relatif existant entre deux conducteurs est égal à la différence des pouvoirs thermoélectriques absolus de chacun des conducteurs; on a de plus:Il est aisé, par application de la relation (1), d’obtenir de manière expérimentale les pouvoirs thermoélectriques relatifs des conducteurs les uns par rapport aux autres. Il est difficile, en revanche, d’obtenir les valeurs absolues correspondantes. Il suffirait, selon les relations (4), (5) et (6), de mesurer un seul pouvoir thermoélectrique absolu pour les obtenir tous; mais c’est assez délicat.Des mesures directes à partir de:ou indirectes à partir de l’effet Hall ont cependant été faites. Elles permettent de constater que 見 est nul pour le plomb et l’étain. Des mesures relatives permettent ensuite de classer tous les conducteurs que l’on désire (tabl. 1). Il est à noter que la valeur du pouvoir thermoélectrique dépend beaucoup de l’état et de la pureté des matériaux.3. Rendement d’un dispositif thermoélectriqueConditions d’équilibre aux soudures froides d’un couple thermoélectriqueL’expression de l’échange de chaleur d Q par effet Peltier, en fonction du courant d I qui parcourt le circuit, est:Soit maintenant un circuit (cf. figure) constitué de deux bras de matériaux thermoélectriques 1 et 2 convenablement choisis ( 見1 et 見2 de signe contraire), les bras étant réunis par une connexion métallique de cuivre.Les phénomènes thermiques qui interviennent sont les échanges de chaleur avec l’extérieur, l’effet Joule, l’effet Peltier et la conductivité thermique.L’écriture des conditions d’équilibre permet de trouver la relation entre la température froide F qui peut être atteinte, en fonction de Q, quantité de chaleur empruntée au milieu extérieur par les soudures froides, lorsque la température chaude C est maintenue constante:où 福 représente la résistivité électrique, où l désigne la longueur d’un bras du couple, k et S désignant respectivement, pour les éléments 1 et 2, les conductivités thermiques et les sections.Dans le cas, non plus de 1, mais de n couples en parallèle thermique, l’équation précédente reste valable à condition que Q soit remplacé par Q/n .La température la plus froide qu’il soit possible d’obtenir est atteinte lorsque simultanément:ce qui conduit à:après avoir posé:La valeur du courant qui fournit l’expression de:est donnée par l’équation:Rendement de la réfrigérationLe rendement de réfrigération 兀 peut être défini comme étant égal au rapport entre la puissance fournie (ou prélevée) au milieu extérieur Q et la puissance électrique P qu’il a fallu fournir au dispositif pour établir la différence de température C 漣 F.La valeur de Q pour une différence C 漣 F choisie est tirée de l’équation (1); et P peut s’écrire:Le rendement Q/P dépend donc, pour des valeurs choisies de C et F, du courant I, des longueurs et sections des bras de thermoélément et de la valeur de Z.En optimisant section, longueur et courant, on est conduit à l’expression suivante, donnant le rendement de réfrigération:avec:La grandeur Z, qui intervient dans le rendement comme dans l’expression donnant la température froide minimale, est appelée facteur de mérite ; elle caractérise la qualité thermoélectrique.Rendement de la conversion d’énergieLe rendement 兀 peut être défini comme étant égal au rapport entre la puissance électrique P fournie à un circuit récepteur d’impédance R et la chaleur Q prélevée à la source chaude.Le rendement dépend du rapport m des impédances du circuit récepteur et du circuit thermoélectrique; en gardant la même définition de Z, une expression du rendement est:Le rendement maximal a lieu lorsque:Selon la température de la source chaude, le choix des thermoéléments diffère (tabl. 1), le produit ZTC gardant sensiblement la même valeur (0,8). L’introduction de cet ordre de grandeur dans les équations précédentes permet d’aboutir à une expression approchée mais simple du rendement thermoélectrique en fonction du rendement de Carnot 兀C d’une machine réversible fonctionnant entre les mêmes températures:4. Réalisation de thermoélémentsChoix des matériaux thermoélectriquesLes expressions des rendements ou des différences de température ne font en définitive intervenir les propriétés des éléments thermoélectriques que par l’intermédiaire des grandeurs 見, 福 et k groupées dans l’expression du facteur de mérite Z. Le choix des produits thermoélectriques se fait donc en fonction de Z, la qualité des corps étant d’autant meilleure que Z a une valeur plus élevée.Les quantités 見, 福 et k dépendent elles-mêmes de grandeurs plus universelles telles que la densité des porteurs de charges. Les expressions reliant 見, 福 et k à ces densités de porteurs, fournies par la théorie des semi-conducteurs, permettent de relier la qualité thermoélectrique à la conductivité thermique du réseau k r , à la mobilité des porteurs 猪 et à la masse efficace m :Le choix se fait finalement parmi les semi-conducteurs et particulièrement parmi les composés du tellure et du sélénium avec les métaux lourds tels que le plomb, le bismuth ou l’antimoine (tabl. 2).Problèmes liés à la construction de dispositifs thermoélectriquesRéfrigérationUn problème de réfrigération est d’abord défini par deux grandeurs: la température à atteindre et la puissance thermique à évacuer. Dans l’expression de la température froide, la puissance thermique intervient dans le cas de plusieurs couples par Q/n , c’est-à-dire que rien ne s’oppose, au moins théoriquement, à ce que de grandes puissances thermiques soient évacuées, à condition d’augmenter proportionnellement le nombre de couples n du dispositif thermoélectrique.En revanche, même avec n infiniment grand, la valeur de T reste limitée. C’est donc, en fin de compte, la température qui représente la donnée la plus importante.Il faut évaluer Z pour connaître les possibilités de réfrigération. La valeur de Z trouvée précédemment (3) dépend des sections des bras 1 et 2, ces sections pouvant être choisies pour que Z soit maximal, ce qui a lieu lorsque:Cette condition d’adaptation des sections est aisée à remplir, comme on peut le voir sur le tableau 1, qui donne les propriétés des thermoéléments utilisables en réfrigération.Le facteur de mérite Z, calculé en portant l’équation ci-dessus dans la formule (3), est de l’ordre de 2,5 憐 10-30C (tabl. 2), ce qui, substitué dans l’équation (2), permet de voir que l’on peut atteindre 漣 40 0C à partir d’une source chaude à + 20 0C.L’abaissement maximal de température n’est plus fonction de la taille du réfrigérateur, mais le courant d’alimentation en dépend. Pour obtenir des tensions d’alimentation raisonnables (quelques volts), des courants d’alimentation faciles à produire (quelques ampères), il est intéressant de grouper plusieurs dizaines de couples et de constituer ainsi un module thermoélectrique. Ces couples seront montés en série électrique et en parallèle thermique.Dispositifs à plusieurs étagesIl est intéressant d’utiliser les dispositifs à plusieurs étages afin d’augmenter le T maximal et le rendement. Les étages sont montés en série thermique, chacun évacuant la somme de la puissance pompée et de la puissance électrique fournie à l’étage précédent. Le nombre n de couples doit donc croître rapidement d’un étage à l’autre. S’il en est ainsi, en supposant que les propriétés thermoélectriques ne varient pas avec la température, on montre que les différences de température atteintes par le j -ième étage ( Tj ), dans le cas d’une alimentation électrique en série, sont reliées à celles correspondant au premier étage ( 1) par la relation:La quantité entre parenthèses est inférieure à 1 (environ 0,64 avec les produits thermoélectriques usuels), ce qui permet de voir que les T successifs sont proportionnels aux nombres 50, 35, 20, 13, etc. Le quatrième étage n’apporterait que 10 p. 100 environ du refroidissement des trois premiers. De tels systèmes sont donc pratiquement limités à trois étages.Conversion d’énergieLa première condition qui apparaît est la température de la source chaude, qui fixe le choix du thermoélément. Si l’écart de température entre sources chaude et froide est considérable, les thermoéléments peuvent être montés «en cascade», la source froide du plus chaud servant de source chaude au deuxième.La seconde condition à remplir est la tension sous laquelle le générateur thermoélectrique doit délivrer la puissance électrique. Un couple de tellurure de bismuth fonctionnant entre 300 et 150 0C par exemple fournit une tension en charge de 30 mV; il est donc souvent nécessaire de grouper de nombreux couples en série électrique et en parallèle thermique (comme pour les dispositifs destinés à la réfrigération).5. Applications de la thermoélectricitéFonctionnement en pompe à chaleurLe développement de la thermoélectricité a permis quelques réalisations pratiques.Compte tenu des valeurs du facteur de mérite Z et des servitudes de montage qui tendent toujours à abaisser les performances, les températures aux premier, deuxième et troisième étages, pour une température chaude de 27 0C, peuvent atteindre 漣 40 0C, 漣 65 0C et 漣 80 0C.Les rendements, qui dépendent des températures atteintes, sont moins simplement exprimables. D’une manière générale et simplifiée, les rendements sont de l’ordre de 0,5 lorsque le thermoélément fonctionne à la moitié de son T maximal. Ces valeurs sont inférieures au rendement des dispositifs de réfrigération utilisant l’évaporation de liquides (réfrigérateurs à compresseur); les problèmes mettant en jeu de grandes puissances thermiques ne seront donc pas normalement du ressort de la thermoélectricité. En revanche, celle-ci constitue la solution de choix pour les problèmes de faible puissance, la réfrigération locale et la régulation fine:– refroidissement des miroirs d’hygromètres à point de rosée;– refroidissement de cellules de détection dans l’infrarouge;– refroidissement de diodes lasers d’émission utilisées dans les télécommunications par fibre optique.Signalons enfin le fonctionnement en chauffage dont le rendement est alors supérieur à l’unité, puisque à la puissance dissipée dans le dispositif s’ajoute la chaleur pompée par effet Peltier. Cette application, a priori séduisante du point de vue du rendement, n’a cependant abouti qu’à un faible nombre de réalisations pratiques, à cause de la complication relativement plus grande des dispositifs à effet Peltier par rapport aux dispositifs ordinaires utilisant l’effet Joule.Conversion directe de l’énergie thermiqueLa première application qui est apparue et qui est encore largement utilisée se rapporte à la mesure de température à l’aide de thermocouples. Dans cette application, la fidélité de l’indication prime la notion de rendement. Les couples utilisés sont réalisés à partir de métaux ou d’alliages métalliques.Avec l’emploi des thermoéléments semi-conducteurs, de véritables générateurs thermoélectriques ont été réalisés. Ces thermogénérateurs, dont le rendement demeure faible (15 p. 100 du rendement de Carnot), sont caractérisés par leur très bonne fiabilité.Deux applications notamment ont été développées:– le thermogénérateur d’une puissance typique de quelques dizaines de watts alimentant une station de relais hertzien isolée, la chaleur provenant dans ce cas de la combustion d’un gaz de pétrole (butane par exemple);– le thermogénérateur isotopique récupérant la chaleur produite par l’absortion du rayonnement de radio-isotopes de longue période (en général, le plutonium 238), la puissance de ces générateurs allant de moins d’un milliwatt (piles pour stimulateurs cardiaques) à quelques centaines de watts (utilisations sous-marines ou dans les sondes spatiales – Voyager ou Galileo, par exemple – s’éloignant trop du Soleil pour être alimentées par des générateurs photovoltaïques).• 1842; de thermo- et électricité♦ Sc.1 ♦ Étude des relations entre les phénomènes thermiques et électriques.2 ♦ Électricité produite à partir d'énergie thermique.thermoélectricitén. f. PHYS électricité produite par la conversion de l'énergie thermique; ensemble des phénomènes liés à cette conversion.⇒THERMOÉLECTRICITÉ, subst. fém.PHYS., SC. Effet, mécanisme, processus physique dans lequel sont couplées la thermique et l'électricité; énergie électrique produite dans des centrales thermiques (d'apr. SIZ. 1968).Prononc.:[
]. Étymol. et Hist. 1842 (Ac. Compl.). Formé de l'élém. formant thermo- et de électricité; l'angl. thermoelectricity est att. en 1823 (v. NED).
thermoélectricité [tɛʀmoelɛktʀisite] n. f.ÉTYM. 1842, thermo-électricité; de thermo-, et électricité.❖♦ Didactique.1 Énergie électrique produite par la conversion directe d'énergie thermique.2 Étude des relations entre les phénomènes thermiques et électriques.❖DÉR. Thermoélectrique.
Encyclopédie Universelle. 2012.